Uriah Heep 2022 Olympia

 

Concert

Uriah Heep

16 octobre 2022

Olympia

la setlist

Après des retrouvailles parisiennes d’une intensité exceptionnelle en 2019 à La Cigale, on pouvait beaucoup attendre de cette nouvelle rencontre dans une salle de plus grande capacité. La dimension « tournée anniversaire » pour leurs 50 ans – le premier disque date de 1970 – m’avait, je l’avoue échappé avant d’arriver sur place ; il est probable qu’une insuffisance de communication autour de cette dimension n’a pas aidé à la mobilisation.

Par ailleurs, recevoir un SMS le matin même de l’événement pour apprendre que le groupe démarrerait sa prestation à… 19 heures ne témoigne pas non plus d’un grand souci d’anticipation. Les habitudes sont plutôt de 21 heures pour le groupe de tête. Peu importe, le bouche à oreille a dû fonctionner et l’info circuler (parce que tout le monde n’a pas eu droit au SMS…).

Le hall d’entrée de l’Olympia comporte, outre l’habituel stand de merchandising – tshirts moins hideux que lors de la tournée précédente mais rien non plus de nature à casser la tirelire –, une alcove transformée en musée en l’honneur de Uriah Heep : photos anciennes, tshirts de tournée Firefly (1977 quand même !), guitare illustrée de la pochette de l’album Abominog, etc. 

Une chapelle Uriah Heep en somme. Amusant.

La salle est exclusivement en format assis (pas de fosse) et semble très peu pleine ; il faut aussi dire que le prix des places est élevé. Mon installation à la mezzanine est perturbée peu de temps après l’arrivée : devant le manque d’affluence, les premiers sièges sont ouverts librement ! Je me retrouve au 2e rang au centre parfaitement situé. Quelle chance ! Mais cela signifie manifestement que c’est loin d’être complet.

Le spectacle commence effectivement à 19 heures par la projection d’un petit film où d’innombrables vedettes du Hard rock souhaitent un joyeux anniversaire des 50 ans (en fait 52 compte tenu de la pandémie) à Uriah Heep : des têtes attendues car ayant démarré dans les mêmes eaux de l’invention par les Britanniques du Hard rock (Brian May de Queen, Ian Anderson de Jethro Tull qui joue la carte de l’humour, Rob Halford de Judas Priest), d’autres visages moins attendus car relativement plus jeunes (Steve Harris de Maiden) ou évoluant dans un style plus éloigné (Brian Tatler de Diamond Head ou… Paul Stanley de Kiss). Ils apparaissent quelques instants, salués par des ovations variables à la mesure de la popularité des uns et des autres.

Le groupe arrive ensuite, leurs instruments placés en ligne devant un grand drap blanc qui couvre le fond de la scène pour une première partie de show semi-acoustique : tous les instruments sont présents (difficile d’imaginer Uriah Heep sans ses claviers) mais avec une puissance adaptée à la guitare acoustique de Mick. Mick Box, guitariste fondateur du groupe en 1969, est le seul survivant de la formation d'origine mais il bénéficie depuis plus de 30 (!) ans de l’apport fondamental de Phil Lanzon aux claviers et de Bernie Shaw au chant, ces deux derniers ayant permis une véritable renaissance et continuité du groupe après des périodes musicalement et humainement difficiles ; Russell Gilbrook à la batterie et Dave Rimmer (le plus récent dans le groupe puisqu’il a remplacé Trevor Bolder en 2013 à son décès) à la basse complètent un groupe rodé et dynamique, en pleine possession de ses moyens, bien loin d’artistes blasés ou usés.


Ils ouvrent le set avec Circus (issu de Sweet Freedom (1973)) et Tales (Magician’s Birthday (1972)), choix logique car les morceaux originaux ont été enregistrés sous une forme instrumentale très simplifiée. Par contre, pour un début de concert ça manque un peu de pêche. Le morceau Free me, tiré de Innocent victim (1977), a été un hit aux antipodes nous assure Bernie Shaw qui invite pressement la salle à participer au refrain ce qu’elle fait avec enthousiasme ; j’avoue que le côté très pop du morceau n’est pas pour me convaincre. En revanche retrouver le magnifique Come away Melinda, emprunté aux Weavers, groupe de folk contestataire américain des années 1940, est une heureuse surprise ; la version présente sur leur premier album Very ‘Umble very ‘eavy est bien supérieure par exemple à celle des Mamas and Papas. On continue en format encore plus dépouillé puisque ne restent sur scène que Bernie Shaw et Phil Lanzon pour des interprétations des titres Confession (High and Mighty 1976) et Rain (Magician’s).


J’avoue que ces moments de respiration qui, sur disque, s’intercalent entre de denses fresques sonores, manquent d’allant en concert. Le choix de les enchaîner, qui plus est au démarrage de la prestation, n’est guère heureux malgré le talent indéniable des musiciens. La voix de Bernie Shaw est impressionnante, à aucun moment le chanteur ne révèle de faiblesses pour des titres qui, pour la plupart n’ont pas été écrits pour lui. L’album Demons and Wizards (1972) est à l’honneur avec The Wizard et un medley Paradise / Circle of Hands, où reviennent les autres musiciens. Le groupe termine cette première partie sur l’un de leurs grands classiques Lady in Black issu du 2ème album Salisbury (1971).

Après 20 minutes d’entracte, un nouveau film projette des documents d’archives consacrés à toutes les époques de Uriah Heep et notamment aux musiciens partis voire décédés. Tout le monde a en tête David Byron, le chanteur des grands classiques dans les années 1970 et Ken Hensley l’influent organiste mais, ne serait-ce qu’au chant, on peut compter trois autres noms : John Lawton (sur 3 albums), John Sloman (1) et Peter Goalby (3).

 Le rideau tombe pour dévoiler une scène en retrait, très sobre avec des panneaux violemment colorés arborant des « 50 » en lien avec l’événement. Le son change du tout au tout, c’est une véritable vague sonore, claire et précise, qui nous arrive dans les oreilles avec Against the Odds issu du très bon Sea of light (1995) enchaîné avec The Hanging Tree (Firefly 1977). 

C’est la caractéristique de cette soirée : sans surprise le groupe met à l’honneur les albums Magician’s birthday et Demons & Wizards (Traveller in Time est interprété ensuite) ; pour les autres morceaux, le groupe pioche allègrement dans sa très vaste discographie avec 1 ou 2 morceaux par albums, n’hésitant pas à faire revivre des époques un peu oubliées. Le dernier album Living the dream (2018) – très bien fait mais dont les sonorités diluent, à mon sens, l’originalité du Heep pour emprunter à un Deep purple – qui s’était taillé la part du lion lors du dernier passage du groupe est cette fois mis de côté. Au final ce sont pas moins de 13 albums différents d’où sont extraits les titres interprétés ce soir. Et pourtant cette diversité ne nuit aucunement à la cohésion musicale de la soirée, la patte de Uriah Heep est bien là.

Le contraste avec la première partie de la soirée est entretenu, les titres rapides s’enchaînent avec une particulière mise en valeur de l’orchestration articulant la guitare de Mick et l’orgue de Phil, magnifiés par un chant impérial de Bernie. Between Two Worlds est un heureux extrait de Sonic Origami (1998) avant d’interpréter un Stealin' (Sweet Freedom) qui a les faveurs du public, invité à reprendre le refrain en chœur. Bernie Shaw annonce un extrait d’un album dont la pochette avait été en son temps saluée par la presse comme la plus laide de l’année … et pourtant, dit-il en désignant quelqu’un dans le public, voilà une jeune femme qui en porte le t-shirt, provoquant ainsi les rires ; il s’agit, comme lors de la tournée 2019, du morceau Too Scared to Run extrait de l'album Abominog (1982). Le morceau, très rapide, passe bien sur scène mais l’écoute de l’album, qui doit beaucoup trop aux sonorités de claviers de l’époque, s’avère aujourd’hui difficile (curieusement cet album est désigné dans l’historique sur le site du groupe comme « un document conquérant sorti en plein cœur de la New Wave of British Heavy Metal, vénéré par les fans de Heep au même titre que des classiques tels que Look at Yourself de 1971 et Demons and Wizards de 1972 ». Mouais…).

C’est une ovation qui salue l’arrivée du fantastique Rainbow Demon (Demons & Wizards) tellement caractéristique des grandes pièces de Uriah Heep. Les musiciens sont visiblement heureux (et nous aussi !), Mick reprend ses petits gestes de la main droite comme pour égréner les notes… ou invoquer les esprits. Une gestuelle qui lui est propre mais qui fait partie du show.

Nouveaux allers-retours dans le temps avec la ballade What Kind of God issue de Wake the Sleeper (2008) qui avait marqué une renaissance créative dans la carrière du groupe (et seul album de ce siècle honoré ce soir d’un extrait) ; puis l’incontournable Sunrise et le plus rare Sweet Lorraine, tous deux issus de Magician’s. Après l’ultra speedé Free’n Easy (Innocent victim), le groupe termine sur un magnifique July Morning dont on ne se lasse pas (étonnamment le seul extrait de la soirée de Look at yourself).

Le rappel est également précédé d’un mini film avant que le groupe n’interprète Gypsy (Very ‘Umble…) puis le classique Easy Livin' emmené à un train d’enfer. C’est déjà la fin : 1h15 de concert électrique après les 45 mn d’acoustique. Une prestation remarquable mais je confirme mes réserves sur l’acoustique : trop long et surtout placé en début de set, cela donne le sentiment d’un concert très bref alors que tenir la scène durant deux heures, bien des groupes plus jeunes n’essaient même pas ! Le groupe quitte la salle annonçant un nouvel album pour 2023 et une nouvelle tournée. J’y serai !


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